Une bande de Carolos à Gaza - Lire l'article en cliquant sur le lien ci-dessous

Retour à Luxembourg

Les marcheurs sont de retour à Luxembourg. Ils vous racontent leur vécu, leur expérience ... Eux-mêmes et d'autres marcheurs de Belgique, de France ..., font le bilan et préparent des suites à cette action dans leur pays, au Luxembourg, en Europe. Restez connectés et en alerte !

mercredi 27 janvier 2010

Traces de rires bien nécessaires à la « détente » … en vrac ... au jour le jour

(Extraits du journalier d'Eliane)

Q. Pourquoi les policiers comptent-ils nos bagages dans la soute du bus ?
Rép. : pour préparer les cellules de rétention

Assignés à résidence à l'hôtel = underhostelrest ou underhostelarrested ?

Ils ont besoin de permis de circuler pour emmener les touristes ...

Quelqu'un : Les autres ne sont pas encore entrés dans le bus ... Rép. : Ils sont encore libres !

J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer (dit Claude dans le bus) ...
Nous pensions que nous allions nous faire arrêter et emmener
Michel D. : Je croyais qu'elle allait annoncer que la bière n'était pas fraîche ...

Q. : Où allez-vous ? Rép. : Nous allons voir les animaux en cage à Gaza

28/12 Quand la police nous raccompagnait au Caire (feux bleus clignotants devant et derrière nos bus), ils se sont arrêtés en route et ont demandé à Claude de descendre ... Nous lui avons suggéré : Claude, demande aux flics une bonne bière bien fraîche .. ; et que cela saute !

28/12 : lors d'une 3ème vérification policière des plaques d'immatriculation des bus, les policiers sont tout étonnés car ils ne reconnaissent pas les numéros. Les cons ! Les n°s n'ont pas changé, c'est simplement le 2ème bus qui nous a dépassé!

28/12 : quelqu'un dans le bas, au même moment : « Ils sont forts, ces militants, au cours du trajet accompagné par la police égyptienne, ils ont réussi à changer les n°s de plaque d'immatriculation de leur bus !"

28/12 : Quand les flics nous laissent partir sans leur escorte, nous nous demandons : « Qu'est-ce qu'on leur donne comme pourboire ? »

28/12 : Au même moment, quelqu'un dans le bus :
« Faites-leur au revoir avec vos "affaires Palestine » ...

Tawfik : Sais-tu où se trouve l'endroit de la manif ?
Réponse : Tu veux que j'aille demander auxflics ?

Marianne pour le dernier plan d'action : « On va se le dire de bouche à bouche ».

Chaque fois que les taxis font le plein d'essence, ils changent en même temps leur klaxon « usé » !

3 soldats partent à la guerre. On leur demande ce qu'il faut écrire sur leur pierre tombale au cas où ... Rép. : L'anglais : God save the Queen. Le Français : Mort pour la République. Le Belge : Mort contre son goût hein, une fois !

samedi 23 janvier 2010

Nous avons pu amener Gaza au Caire

Nous avons pu amener Gaza au Caire
Bilan de Myriam de Ly (Belgique) – 10 janvier 2010

Le projet était magnifique : une marche internationale à Gaza le 31 décembre, pour commémorer, un an plus tard, les victimes de l’agression meurtrière de l’Etat israélien contre la population de Gaza et dire notre rejet du blocus inhumain qui coupe Gaza du monde, qui en fait la plus grande prison à ciel ouvert de la planète, qui affame la population, qui empêche toute reconstruction.

Nous étions 1400 internationaux de 42 pays, débarqués au Caire à deux ou trois jours d’intervalles. Autant de marcheurs que de Palestiniens tués dans la sale guerre d’agression de 2009-2010. 
Nous étions attristés, déçus et fâchés de ne pas pouvoir nous rendre à Gaza.
Mais nous avons réussi, tous ensemble, à mettre en place un magnifique mouvement de solidarité internationale contre le siège de Gaza, pour la libération et les droits nationaux du peuple palestinien.

Le fait de se retrouver ensemble, avec des militants venus du monde entier, porteurs du même message, résolument pacifiques et, en même temps, déterminés est un énorme encouragement à continuer la lutte contre le colonialisme israélien et à faire progresser le mouvement du boycott.

Nous savions que notre possibilité d’atteindre Gaza était compromise. Avant notre départ, déjà, nous étions au courant du refus des autorités égyptiennes de nous laisser franchir la frontière. Mais nous voulions faire toutes les pressions nécessaires pour qu’elles reviennent sur  leur décision. Nous étions encouragés en ce sens par le message suivant du comité directeur de la marche :
Nous sommes venus de trop loin pour nous contenter de faire du tourisme. Nous savons que notre créativité et notre flexibilité sont les outils les plus puissants, et nous explorons de nouveaux moyens de faire passer notre message et de maintenir la pression !
Dans le monde entier, il y a des gens qui observent et qui agissent pour que l'Egypte ouvre la frontière (...) Nous vous attendons avec impatience !".
C’est une première expérience d’une lutte commune, au même endroit, de délégations venues des quatre coins du monde pour soutenir un peuple victime de l’occupation et de la guerre. Cela ne s’est pas fait au moment de la guerre du Vietnam, ni pendant la guerre contre l’Irak.

Pendant six jours, il y a eu des manifestations politiques au Caire rassemblant un grand groupe d’internationaux : cela ne s’était jamais passé auparavant. Actualisons :

Al Jazeera diffuse nos actions en direct.
Nous sommes à la une des journaux égyptiens (indépendants et d’opposition) pendant plusieurs jours. Une certaine « liberté de la presse » existe donc, mais on arrête aussi des journalistes qui prennent des photos et des cameramen à qui on a préalablement interdit de filmer….

Grâce à nos actions et la couverture médiatique, notre message est passé en Palestine, en Egypte, au Moyen-Orient, dans le monde arabe et ailleurs.
Ici, il n’y a eu quelques échos dans la presse, mais les gens ne sont pas vraiment au courant,  sauf les personnes intéressées, et celles issues de l’immigration arabe qui suivent quotidiennement les infos de la chaîne Al Jazeera.
C’est ce que j’ai constaté en écoutant mes amis arabes au retour : « On vous a suivis tous les jours. On avait la rage au ventre que vous ne passiez pas. »

Au fil des actions, de plus en plus de personnes au Caire savent pourquoi nous sommes là, et cela se sent dans la rue, dans les minibus, dans les hôtels…
Ils nous disent : « Gaza ? » et nous répondons : « Gaza ! ». Et de grands sourires complices apparaissent sur les visages. Pas besoin de connaître l’arabe pour communiquer.
On nous demande d’être photographiés avec l’un des leurs, et nous, un peu gênés, on accepte. A peine assis sur la place de la mosquée Hussein, avec nos keffiehs, nos pancartes « Free Gaza », ils nous prennent en photo avec leurs GSM, jusqu’à ce que la police arrive.
Même les jeunes policiers « venus brûler trois ans de leur jeunesse au Caire pour opprimer les leurs », comme le dit si bien Jean-Pierre Griez, ami marcheur, témoignent à des moments leur sympathie.


Un animateur d’Euro-Palestine, qui a eu des jeunes policiers en face de lui 24 h sur 24 témoigne : « Derrière leur sourire, on voit qu’ils soutiennent la cause, nos revendications… ».
Certaines photos montrent d’ailleurs qu’ils auraient préféré draguer les jeunes manifestantes collées contre eux  pour essayer de gagner quelques centimètres de terrain que de « maintenir l’ordre »…
Et nous de crier dans les actions : « Le peuple égyptien avec nous… » « L’armée égyptienne avec nous… »

Le but principal de la police est de nous isoler de la population égyptienne. Mais cela, elle n’est pas arrivée à le faire. 1400 internationaux se promènent par petits groupes dans les métros (en naviguant entre les stations Saadat, Nasser, Moubarak…), dans les rues, se regroupent, se dispersent… et parlent avec des personnes connaissant l’anglais…

La police est partout à nous trousses (y compris devant et dans l’hôtel – certaines délégations n’ont même pas pu tenir leurs réunions). Mais nous apprenons vite à la semer.

Le 1er janvier, elle tente d’encercler nos hôtels, pour empêcher qu’on se regroupe à nouveau. Mais les organisateurs passent le message : « Quittez vos hôtels au plus vite… »

Il y a quelques heurts avec la police le 31 décembre près du musée, lorsque nous nous trouvons sur l’avenue près du musée, et que nous sommes refoulés vers le trottoir. Plusieurs personnes sont légèrement blessées, reçoivent des coups de poing au visage, une caméra est cassée.

Pour l’essentiel, la stratégie est de nous isoler. La première fois, c’est impressionnant de voir s’amener les camions avec les barrières en acier et les renforts de flics casqués. On pense : ils vont nous arrêter (même si c’est le prix que beaucoup d’entre nous sont disposés à payer). Mais on se rend vite compte que ce n’est pas le cas et qu’il ne faut pas surestimer les forces de répression. Les très nombreuses actions ont brisé l’interdiction de rassemblement de plus de six personnes.

Malgré certains (inévitables) manquements, malgré une surveillance policière très serrée, le comité directeur a très bien pu organiser les actions.

Nous avons passé une semaine très intense. En cinq jours, nous assistons à huit actions (le départ pour Gaza, six manifestations dont une occupation du « Free Gaza Square » pendant six heures et un meeting final) et sept réunions de groupe (de 50 à 70 personnes). D’autres actions et démarches ont eu lieu : 1000 personnes devant les Nations unies, action pacifique au bord du Nil et à l’Union européenne. Une délégation de Belges s’est également rendue auprès de l’ambassade belge. Ils y ont reçu un accueil particulièrement glacial. Reçus debout, le consul Romein conseille à la délégation d’annuler « le voyage » (comme si nous étions des touristes) et refuse de donner la moindre assurance que les autorités belges interviendraient auprès de autorités égyptiennes en faveur de leurs ressortissants si ceux-ci rencontraient des problèmes. (Ils pourront toujours passer un coup de fil…)

Le 28 décembre, nous tentons de nous mettre en route pour Gaza. Avec l’aide d’amis égyptiens, les organisateurs trouvent une compagnie de cars qui ose braver les interdictions des autorités égyptiennes. On sort les bagages de l’hôtel, un premier bus arrive, mais la police l’empêche de partir. Puis un deuxième. De nouveau, l’attente avant de pouvoir démarrer…
Les tracasseries administratives à l’hôtel (refus de rendre les passeports) et au bus nous font penser aux Palestiniens qui subissent des situations pareilles quotidiennement.

Les bagages en main et l’espoir dans le cœur nous partons… pour être bloqués 80 km plus loin. 3 h d’attente. Il faut de nouveau donner les numéros de passeports des participants… pour être ramenés au Caire sous escorte peu après.
Nous n’avions pas imaginé le scénario du blocage au Caire. Nous pensions que nous serions retenus à la frontière et, pour cette raison, nous avions amené nos sacs de couchage, nos vêtements chauds pour passer les nuits dans le désert. Malheureusement, nous ne sommes même pas arrivés à Al Arish, une ville située à 200 km de la frontière, où d’autres internationaux, arrivés en avion, se sont retrouvés sans possibilité de bouger.

Déçu de cet échec, un petit groupe de notre délégation tente de partir de nouveau en minibus deux jours plus tard : même expérience, même retour. Certains tenteront jusqu’à dix (!) fois d’entrer : c’est toujours le même scénario.

Nous ne nous laissons pas abattre. Notre volonté reste intacte : arriver à Gaza. « We want to go to Gaza », crions-nous lors de la manifestation de solidarité avec les grévistes de la faim le 29 décembre. Et là, nous rencontrons pour la première fois Hedi Epstein, femme juive de 85 ans qui a entamé une grève de la faim et qui sera rejointe par 27 autres personnes, toutes nationalités confondues. Hedi vivait en Allemagne avec ses parents pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ces derniers ont décidé d’envoyer leur fille de 14 ans en Angleterre, pour qu’elle échappe aux poursuites des nazis. Eux-mêmes sont morts à Auschwitz. Hedi sera présente à chaque action qui suivra.

C’est la première manif depuis notre arrivée : cela fait du bien d’être ensemble, de braver les interdits, de crier notre message dans toutes les langues, de chanter « Bella Ciao » avec les Italiens, « We will overcome » avec les Américains, ou « Nous sommes tous des Palestiniens » avec les Français (j’ai oublié la chanson qu’Eliane nous chantait en français). Les cris « Viva, viva Palestina » sont en même temps des cris de solidarité avec le convoi de Georges Galloway (dont des jeunes Belges font également partie), également bloqué. Les grévistes de la faim demandent à d’autres délégations de participer à leur grève de la faim.

Ce même jour, Netanyahu est reçu au palais présidentiel, au cœur de la ville. A l’issue de l’entretien, le gouvernement égyptien salue « les efforts de paix » de Netanyahu et, en particulier,  le « gel » de la colonisation (!) en Cisjordanie, qui n’inclut d’ailleurs pas Jérusalem.


Hosni Mubarak et Netanyahu se sont rencontrés dans le passé. Mais pas au Caire. Le président égyptien avait toujours insisté que les rencontres se fassent à Sharm-el-Sheikh, le plus loin possible des fortes concentrations de population égyptienne. Pour Uri Avnery,  l’invitation était de ce fait, un signe important de la volonté de rapprochement des relations.
«En guise de cadeau exceptionnel pour Netanyahu, Mubarak a accepté d’autoriser la venue de centaines d’Israéliens en Egypte pour prier sur le tombeau du rabbin Yaakov Abu-Hatzeira, mort et enterré dans la ville égyptienne de Damanhur voici 130 ans, alors qu’il avait quitté le Maroc pour se rendre en terre sainte. »

« Il y a là-dedans un aspect symbolique : le blocus, au même moment, des protestataires propalestiniens en route vers Gaza, et l’invitation aux Israéliens à se rendre à Damanhur. » 

Le soir, nous sommes présents avec un groupe d’internationaux à une action du syndicat des juristes égyptiens. Le très combattif syndicat des juristes avait déjà organisé un rassemblement pour Gaza avant notre arrivée, et avait déjà dû affronter la police antiémeute et ses gaz lacrymogènes.

C’est très émouvant d’entendre les voix combinées des Egyptiens et des internationaux.  Je m’y sens vraiment très bien. Pas mal de femmes sont présentes. Plus de police aussi. Une très grande combativité. Un mégaphone qui circule de main à main… Des hommes, des femmes, qui lancent de réels récitals de slogans pour Gaza, pour la Palestine, contre Netanyahu, contre Obama, contre Moubarak… Notre présence les protège au moment même mais, par après, nous apprenons qu’il y a eu des arrestations.

Un orateur égyptien lance un appel pour continuer la mobilisation contre le mur d’acier que l’Egypte est en train de construire (avec l’aide des EU et de la France) le long de la frontière de Gaza. Le but est d’isoler encore plus les Palestiniens de Gaza et de renforcer le blocus. Plus rien ne pourra passer par les tunnels (le « poumon » de Gaza : la seule façon de faire entrer des vivres et des médicaments).




Le lendemain matin, au petit déjeuner, un participant flamand me dit : « Est-ce qu’on n’avait pas décidé que tu participais à la grève de la faim ?... » Mais les événements nous poussent vers l’avant. Ce matin-là : nouvelle réunion, après quoi nous décidons de partir avec un  groupe important à l’ambassade de France. Marche forcée de plusieurs kilomètres (certains apprécient, n’est-ce pas, Ludo ?). J’arrive les pieds cassés. Mais c’est vite oublié, quand nous voyons l’action des 300 Français d’Euro-Palestine campant sur le trottoir.

Le 27 décembre, après trois heures d’attente, quand leurs bus ne sont pas arrivés, et que le permis leur est retiré, les Français décident de bloquer l’avenue qui passe devant l’ambassade. Repoussés sur le trottoir, encerclés par les policiers, ils sont contraints de prendre leur sac de couchage et de dormir sur place. Le trottoir de Ghize (le quartier) devient un lieu d’action, qu’un orateur du meeting final appellera « le visage ouvert de la Gaza Freedom March ». Ghize symbolisera aussi par après Gaza : avec deux points de passage possibles, Eretz au nord, Rafah dans le sud.

L’action des Français devant l’ambassade suscite l’enthousiasme de beaucoup d’entre nous  et de beaucoup d’autres délégations, comme nous pouvons le voir sur la vidéo ci-dessous :

Louisa Morgantini (ex-vice présidente du Parlement européen) : « Votre détermination est fantastique, nous devons rester unis dignement, comme le peuple palestinien qui lutte depuis des années. » Ou cette Juive américaine, que nous rencontrons aussi devant l’ambassade israélienne : « Quand on voit leur militantisme et leur unité, cela inspire beaucoup les autres délégations. La détermination des participants français continue d’être une voix pour briser le siège. » Et le « Ministère des Affaires populaires (un groupe de Lille) de chanter : « Tu sais, tu sais, la Palestine ne se soumettra jamais. » Qu’ils soient jeunes ou vieux (voir le témoignage d’un « jeune » de 82 ans ou la présence de Monseigneur Gaillot) : les Français d’Euro-Palestine montrent la voie. 


Le soir, il y a une action surprise des Belges, Français et Luxembourgeois de notre hôtel, près de la mosquée Al Husseyn, qui est également un lieu touristique. Avec nos bougies, nos pancartes faites sur place, notre calicot, nous disons : « Non au blocus de Gaza ». Grande sympathie des Egyptiens mais, malheureusement, sans la présence de la presse. La police poursuit un groupe de manifestants jusqu’au métro, où elle est semée. En rentrant, nous voyons une ambulance devant l’hôtel. Renée-Marie, militante française pour la Palestine, a eu une crise cardiaque. Elle décédera dans la nuit. Dans son dernier acte de solidarité.

Jeudi 31 décembre. Ce jour-là, nous aurions dû être à Gaza, pour la marche. Ceci n’étant pas possible, nous décidons de faire la « Gaza Freedom March » au Caire. RV au musée. Par petits groupes, les marcheurs arrivent, prennent la rue. C’est là que les casqués arrivent, nous poussant sur le trottoir. Nous resterons six heures à l’endroit baptisé « Free Gaza Square », criant des slogans sans relâche. Un accordéon apparaît, un tambour, on danse. On chante. Un coin WC se met en place, un coin médical pour les blessés, un coin objets perdus. Des amis apportent de l’eau bien fraîche. On se met un cercle : des membres de toutes les délégations prennent la parole. On se sent bien. Démocratie directe : après 6h  d’occupation, on se réunit par nationalité. Le comité directeur se rencontre après. Et Mick Napier, syndicaliste écossais que j’appelle le « D’Orazio pour Gaza » (et qui est mandaté par son organisation syndicale), demande notre avis : « Le comité directeur propose d’arrêter l’action ici, car demain nous voulons encore faire autre chose. Mais, si la majorité d’entre vous décide de rester, nous restons… ». Un vote à main levée est organisé. La majorité décide de lever l’occupation.
On va manger un petit bout avec le groupe de Belges qui est encore là.
Certains décident de rejoindre le RV pour passer ensemble le cap du nouvel an.
D’autres (dont moi) sont trop fatigués et vont se coucher.

1er janvier : « Sana saïda » - bonne année.

Nous l’avons très bien commencée, cette nouvelle année : avec une action surprise devant l’ambassade d’Israël.
Nous partons à plusieurs à un nouveau RV. Avec les minibus jusqu’à la prochaine station métro (il n’y a que 2 lignes pour une ville de 20 millions d’habitants !). Nos hommes commencent à bien faire attention maintenant aux rames : certaines sont uniquement réservées aux femmes !
Nous nous regroupons juste avant que la police n’arrive. L’ambassade se trouve au 19e étage. « Boycott Israël », notre premier slogan de l’année. Remarquable : la présence de nombreuses délégations juives antisionistes. Les organisateurs font un accord avec la police : nous resterons pendant trois heures. A la dislocation, nous nous dirigeons en petits groupes vers le centre. Surprise, surprise, nous sommes bloqués par des policiers sur un des ponts sur le Nil.
Nous traversons la route (plusieurs bandes où on roule à grande vitesse, et où risque sa vie en permanence). Accident entre deux voitures. Sur l’autre bord : un seul policier, qui n’arrive évidemment pas à nous arrêter.

Le soir : meeting final de Gaza Freedom March. Nous occupons la place Tahrir. Pas besoin de demander des autorisations, nous commençons à prendre des habitudes… Des personnes circulent avec des plateaux de douceurs égyptiennes.
Le meeting est très émouvant. Une jeune Palestinienne de 11 ans des Pays-Bas raconte comment elle a été battue la veille et exprime son désir d’aller à Gaza. Les organisateurs, aux visages de toutes les couleurs (venant de l’Inde, de l’Afrique du Sud, des Amériques ou de l’Europe – les syndicalistes sont nombreux), qui nous deviennent familiers (le syndicaliste écossais : « we must keep in touch »), nous adressent la parole. Hedi aussi. (Ferai-je la même chose quand j’aurai 85 ans ?) Tout le monde peut prendre la parole. « Nous avons fait une grève de la faim, dit un ténor italien, mais les Palestiniens sont forcés à la grève de la faim tous les jours. » J’apprécie l’autocritique de l’organisatrice de Code Pink (à la base du mouvement), à propos des 2 bus qui sont finalement partis à Gaza. Décision prise à la hâte et qui a suscité beaucoup de discussions.

Et on nous présente une base commune pour agir ensemble dans le monde entier : la déclaration du Caire : 

Cette déclaration, faite à l’initiative du syndicat sud-africain Cosatu fait un parallèle entre l’ancien régime d’apartheid de Pretoria et la politique de discrimination et de ségrégation de l’Etat d’Israël. Il propose un plan mondial d’action unifié pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions pour contraindre Israël à se conformer au droit international. « Let’s fight where we are strong, and they are weak.”

Après ce meeting, il y a une dernière réunion des différentes délégations. C’est notre copine Ria Cabus qui représente le groupe. A son retour, dans le café où nous buvons un dernier verre ensemble, nous apprenons que « Gaza Freedom March » va créer une structure, un site et continuer la mobilisation sur base de la déclaration du Caire.

La marche a créé des liens entre des militants très divers du monde entier. 
Bien sûr, dans ce mouvement, il y avait beaucoup de composantes, beaucoup d’idées, de stratégies différentes. Mais j’ai bien aimé cette réflexion d’un organisateur à ce meeting final : « Qui peut nous dire quelle stratégie est la meilleure ? »  La situation en Palestine et au Moyen Orient est tellement complexe et tellement grave que tous les soutiens sont nécessaires. L’importance de la déclaration finale est d’avoir tracé un axe sur lequel tout le monde peut s’unifier.

En dehors des actions, c’est aussi en mangeant ensemble un falafel, en partageant nos galettes et nos mandarines, ou devant un café serré dans les petites rues du Caire, que nous avons  noué de nouvelles amitiés. Dans notre groupe de Belges et de Luxembourgeois (et avec de nombreux amis français), il y avait des sensibilités différentes. Les uns préférant les actions plus soft, d’autres les actions plus combatives. Les uns les négociations, les autres l’action directe (ce qui n’est pas toujours contradictoire).
Mais c’est en respectant nos différences et la liberté d’action, que nous sommes restés un groupe soudé et uni, prêt à continuer ensemble le travail de solidarité pour la Palestine.
Ce sera plus que nécessaire, vue les nouveaux appels à la guerre de l’Etat israélien :




Myriam De Ly
Le 10 janvier 2010.

La "Marche Pour Gaza" : récit d’une aventure mémorable (CAPJO)


Bilan de la "Marche sur Gaza"
Par le CAPJPO Europalestine (France)
Mardi, 5 janvier 2010 - 6h42 AM
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La "Marche Pour Gaza" : récit d’une aventure mémorable (et photos !) lundi 4 janvier 2010 (20h44)

Nous venons de rentrer du Caire. Le gouvernement égyptien a interdit aux 1360 internationaux de rentrer à Gaza pour manifester leur soutien aux Gazaouis et pour dire NON au blocus. Mais ce faisant, il a nous a amené à créer, à partir de la capitale égyptienne, une situation qui a permis de soutenir de manière encore plus spectaculaire le peuple palestinien.

Ce bilan, ce sont nos amis Gazaouis, qui l’ont rapidement tiré, en nous envoyant des messages de remerciements et de félicitations pour avoir mené des actions au retentissement mondial, concernant le siège qui leur est imposé, et ceux qui en portent la lourde responsabilité. "Les actions spectaculaires et très médiatisées que vous menez actuellement au Caire sont bien plus efficaces pour nous que la visite programmée de la bande de Gaza", nous ont affirmé les organisateurs palestiniens de la Gaza Freedom March.

Récit des faits :

Dès notre arrivée au Caire le 26 décembre, notre groupe de 300 participants français apprenait que le gouvernement égyptien interdisait aux organisateurs américains de la marche de se réunir le lendemain au Collège des Jésuites de la Sainte Famille, afin de permettre aux quelque 800 internationaux de divers pays de faire le point sur la situation. Le même jour, il leur était annoncé que les autocars dans lesquels ils comptaient monter le 28 au matin ne seraient pas au rendez-vous. Nous apprenions également que toutes les personnes, arrivées plus tôt et ayant essayé de se rendre par leurs propres moyens (seuls ou en petits groupes) en direction de Gaza, avaient été arrêtées et se trouvaient bloquées par les forces de l’ordre égyptiennes sur la route, dans leurs hotels ou dans les gares routières. (A noter, que parallèlement, nos amis de la caravane "Viva Palestina", conduite par George Galloway étaient également bloqués par le gouvernement égyptien)

Et le dimanche 27 décembre, un an jour pour jour après les massacres israéliens dans la bande de Gaza, Moubarak allait jusqu’à interdire une commémoration pacifique des internationaux, consistant à déposer sur le Nil des bougies (biodégradables) à la mémoire des martyrs de Gaza.

Le même soir à 19 H, les 300 participants français à la marche se retrouvaient, comme convenu depuis longtemps avec la compagnie de cars AstralEgypt, devant l’ambassade de France, située sur une artère majeure en plein centre du Caire. Juste avant, l’ambassadeur de France, Jean Félix-Paganon, nous recevait dans son bureau, en présence du responsable de la compagnie de cars, qui avait déjà reçu 4100 dollars de notre part, soit 50 % de la facture, pour nous transporter jusqu’à Rafah et en revenir.

Et là, l’ambassadeur nous affirmait en présence de plusieurs témoins qu’il avait l’assurance du gouvernement égyptien que nous pourrions prendre la route en direction de El Arish (40 km avant Rafah), et que nos cars seraient bien présents au RV de 19 H devant l’ambassade, même s’il ne pouvait garantir que nous serions autorisés à entrer dans Gaza.

Ancien contrat en mains + nouvel engagement écrit, en présence de l’ambassadeur, de la part du responsable de la compagnie égyptienne (qui réclamait à cor et à cri le paiement immédiat des 50 % restant à acquitter !), quelques-un d’entre nous partaient chercher les autocars, tandis que le reste du groupe attendait devant l’ambassade.

Après 3 heures d’attente debout, nous apprenions, à 22 H, que les autocars ne viendraient pas nous chercher, et nous occupions alors l’avenue Charles de Gaulle, bloquant la circulation dans toute la capitale en restant assis au milieu de la chaussée, à ce point névralgique d’intense traffic au coeur du Caire.

Une action surprise, rapide, correspondant aux orientations que nous avions décidées en commun, bien avant le départ : réagir de manière déterminée et la plus spectaculaire possible, si nous étions empêchés d’atteindre notre but, et ceci quel que soit l’endroit où nous serions bloqués.
Nous estimions plus probable un blocage par le gouvernement égyptien sur la route, en plein désert, mais ce dernier, comptant sans doute sur le désemparement, et le morcellement des internationaux isolés dans des dizaines d’hôtels différents, en décida autrement.

Erreur fatale pour lui : car les 300 Français se trouvaient regroupés, sans hôtel —puisqu’ils comptaient partir et rouler de nuit—, et très soudés par les rencontres et discussions organisées avant le départ par CAPJPO-EuroPalestine.

Réclamant nos cars et la possibilité de pouvoir nous rendre à Gaza, nous décidions de camper devant l’ambassade de France, déclinant l’offre de l’ambassadeur qui proposait de nous faire conduire au Lycée Français du Caire, et de nous y laisser enfermer sous bonne escorte, jusqu’à notre retour en France (nous conseillant vivement d’anticiper celui-ci, si nous ne souhaitions pas occuper le reste de la semaine à faire du tourisme) .

L’ambassade de France, en liaison avec le Quai d’Orsay, et avec le gouvernement égyptien prit alors quelques mesures de rétorsion à notre égard, limitant l’accès aux toilettes, ne nous permettant pas de recharger quelques téléphones portables au sein de l’ambassade, ni de laisser les plus vulnérables dormir sur sa grande pelouse inoccupée —et payée avec nos impôts.

La sénatrice Alima Boumediene-Thiery, présente à nos côtés, ne s’est pas privée de faire savoir à l’ambassadeur ce qu’elle pensait d’une telle attitude de la part du gouvernement français.

Nous saluons au passage le courage de Monseigneur Gaillot, qui a tenu bon, dormant par terre et vaquant avec le sourire, malgré des problèmes de santé. Un grand coup de chapeau également au doyen de nos participants, Michel Sergent, 82 ans, qui a dormi pendant toute la semaine, en position assise, contre un arbre, et qui a entrainé un groupe de marathoniens tous vêtus des T.Shirts "Palestine Vivra - Boycott Israël" dans les rues du Caire, sous les applaudissements des passants !

Hedy Epstein, 85 ans, rescapée du génocide nazi, qui tentait pour la troisième fois de se rendre à Gaza, est venue le féliciter dans notre mini-blocus de l’ambassade de France la veille du Nouvel An.

Comptant sur la fatigue et les conditions sanitaires déplorables (pas de possibilité de se laver, alors que la pollution était maximale, deux heures d’attente pour accéder à un seul WC pour plusieurs centaines de personnes), le gouvernement français s’est couché devant le gouvernement égyptien, qui obéissait lui-même aux injonctions israéliennes (Netanyahou était d’ailleurs reçu par Moubarak le 29 décembre).

Mauvais calcul, puisque ce durcissement, au lieu d’entamer notre détermination, l’a renforcée. Au point que l’ambassade s’est vu obligée de reculer sur plusieurs fronts, autorisant les gens à sortir pour aller aux toilettes des cafés voisins, faisant installer 4 WC sanisette, renonçant à exiger de voir les passeports français de ceux qui se rendaient aux toilettes, et surtout laissant entrer les délégations d’internationaux de tous pays qui venaient nous rendre visite et nous encourager.

Ce dernier point nous a permis d’établir une coordination très efficace avec les représentants de tous les pays et d’organiser avec eux différentes actions spectaculaires et très unitaires.

Ainsi un rassemblement de protestation, le 31 décembre, réunissait entre 500 et 600 internationaux devant l’endroit le plus fréquenté du Caire (à la fois par les Egyptiens et les touristes), le Musée Egyptien et la place de la Libération, et faisait la une de tous les journaux égyptiens. Le lendemain, un autre rassemblement devant l’ambassade d’Israël au Caire regroupait à nouveau plus de 600 personnes.

Inspirées par notre action devant l’ambassade de France, couverte par les télévisions, radios et journaux du monde entier, les délégations des autres pays ont à leur tour organisé des manifestations devant leur ambassades, avant d’en être délogées.

Pendant une semaine, nous avons réussi, en reproduisant un mini blocus symbolique devant l’ambassade de France, en confectionnant des banderoles visibles de loin,à attirer l’attention des médias jusqu’alors silencieux sur le blocus de Gaza et sur la collaboration honteuse à ce siège de nos gouvernements.

Même les jeunes appelés, massés par centaines devant l’ambassade pour nous empêcher de sortir, pactisaient avec nous et se faisaient constamment rappeler à l’ordre par leurs supérieurs.

Malgré l’action des forces de police égyptiennes qui arrêtaient, embarquaient, intimidaient les journalistes qui cherchaient à nous interviewer, et qui mettaient même des amendes aux automobilistes qui ralentissaient et klaxonnaient pour nous féliciter, le retentissement a été à la hauteur du caractère inédit de telles manifestations dans une dictature qui interdit tout regroupement de plus de 6 personnes.

Au point que les organisateurs américains, un moment tentés par une proposition de Moubarak de sélectionner 80 personnes qui seraient autorisées à se rendre à Gaza, ont finalement décliné cette tentative de division, qui aurait permis au gouvernement égyptien de redorer son blason à peu de frais.

Consultés, nos amis de Gaza, les organisateurs de la Gaza Freedom March, ont vivement conseillé à tous les internationaux de ne pas tomber dans ce piège. Ils ont d’ailleurs accueilli avec la plus grande froideur ceux qui ont malgré tout accepté de monter dans ces deux cars affrétés par Moubarak, et les ont rapidement reconduits hors de la bande de Gaza.

Deux vidéos réalisées par les participants à la marche sont déjà en ligne sur le site http://www.europalestine.com. Un troisième épisode le sera incessamment.

Nous revenons de cette aventure plus déterminés que jamais à mener le combat contre l’inhumanité du siège de Gaza, de l’emprisonnement et de la spoliation de tout le peuple palestinien, par l’occupant israélien. Crimes contre l’humanité qui ne peuvent être perpétrés qu’avec l’assentiment de nos dirigeants, parmi lesquels le gouvernement égyptien qui montre son vrai visage de collabo en construisant un mur destiné à étrangler et affamer davantage encore la population de Gaza.

Des liens très forts ont été tissés entre les représentants de tous les pays durant cette "Marche pour Gaza" stoppée au Caire. Profitons-en pour faire de 2010 l’année qui nous rassemble, pour faire trembler tous ces tyrans !

CAPJPO- EuroPalestine


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mercredi 20 janvier 2010

Bilan de la Gaza Freedom March - Claude Léostic, AFPS


Publié le 14 janvier 2010 sur le site de l’Association Belgo-Palestinienne :

Après une semaine de démarches et demandes infructueuses auprès des autorités égyptiennes pour que la Marche puisse aller à Gaza, les dernières actions des Marcheurs ont eu lieu le 1er janvier au Caire.
Des initiatives menées tous les jours aux cris de « Free Gaza » ont affirmé la détermination des Marcheurs à demander la levée du siège et la fin de l’impunité des criminels de guerre israéliens.
Manifestation auprès du Nil, rassemblement en soutien à la grève de la faim menée en solidarité avec Gaza, veillées aux bougies, rassemblements en solidarité avec les journalistes et juristes égyptiens qui soutiennent Gaza et d’autres initiatives encore, les Marcheurs se sont retrouvés par centaines chaque jour. Les associations de la coordination européenne (ECCP) ont réussi à quitter le Caire à bord de 5 bus avant d’être bloqués à 80 km sur la route vers Gaza.
Dans une unique ouverture qui a permis finalement aux autorités égyptiennes de se dédouaner à bon compte, sur pression de l’ambassade des Etats-Unis, quelque 80 personnes, principalement américaines, ont été autorisées à se rendre à Gaza dans une démarche humanitaire qui n’était absolument pas l’objectif de la Marche. Ils ont néanmoins pu se joindre aux Palestiniens qui ont manifesté à Gaza le 31 décembre.
Côté israélien quelque 2000 manifestants, pacifistes israéliens, Palestiniens d’Israël et Internationaux ont aussi marché jusqu’au point de passage d’Erez pour exiger la levée du blocus et de l’occupation.
Pour les Marcheurs coincés au Caire, parallèlement aux actions organisées par le Comité de pilotage de la Marche ou des délégations spécifiques, les réunions et démarches se sont aussi succédé, entre nous et auprès de diverses instances, dont nos ambassades et l’Union européenne, et les représentants de l’Autorité palestinienne, pour ce qui est de délégations européennes.
Nous avons demandé de façon réitérée que nos représentants en Égypte appuient de tout leur poids notre demande d’aller à Gaza auprès des autorités égyptiennes, qu’ils obtiennent pour les 1400 marcheurs qui avaient pour seul objectif de marcher à Gaza dont la seule porte d’entrée était l’Égypte, le droit -universel - de se déplacer et de se réunir. Et à tout le moins que les délégations européennes puissent aussi se rendre à Gaza, dans une démarche en accord avec les principes de la Marche. Les réponses dilatoires se sont succédé jusqu’au premier janvier.
C’est donc par trois actions séparées mais animées par une volonté commune que la Marche s’est clôturée hier : rassemblement de quelques centaines de personnes devant l’ambassade d’Israël, présence de quelques dizaines d’Européens devant les locaux de l’Union européenne en appui à la délégation qui y présentait nos requêtes (d’appui soutenu et d’action) et nos reproches (que les promesses diverses n’aient été que verbales) et enfin, à 18h, rassemblement à l’initiative des organisateurs de la Marche. Sur une place près du musée du Caire, des centaines de Marcheurs ont fait état de leurs perceptions de cette initiative qui a su rassembler des personnes de 42 pays, de culture politique et pratiques militantes différentes.
Les Marcheurs ont exprimé, bien au-delà de leur frustration de s’être vu interdire d’aller à Gaza, leur détermination renforcée à faire primer le droit des peuples. Toutes nations, couleurs et cultures confondues, nous avons dit qu’ensemble nous allions continuer ce que cette Marche a entamé, un engagement citoyen international pour la justice qui renforcera nos actions et campagnes politiques dans nos pays respectifs.
Cette Marche avortée reste un succès car elle a permis, dans un grand élan collectif de solidarité internationale, de faire savoir au monde l’injustice coloniale qui veut faire plier Gaza et qu’elle témoigne de la détermination des citoyens du monde à faire prévaloir le droit sur la force brutale de l’occupation.
Claude Léostic
Vice-Présidente de l’Association France Palestine Solidarité


La marche de la liberté pour Gaza et la stratégie égyptienne

Bienvenue à la complexité de la question palestinienne
Lettre de Nahla Chahal aux marcheurs de la Gaza Freedom March
Cette lettre de Nahla Chahal, coordinatrice des “missions civiles”-CCIPP,P aux marcheurs de la Gaza Freedom March, a été publiée le vendredi 1er janvier 2010 sur http://www.protection-palestine.org
Cher-è-s marcheurs,


Pleins de confiance, imposée par l’évidence de la justesse de ce que vous entreprenez, vous, les 1400 marcheurs, vous vous êtes préparés pendant des mois pour aller à la rencontre des Gazaouis en ce premier anniversaire de l’agression israélienne.
Derrière chacun-e de vous, se tiennent des dizaines de personnes proches et amis, qui savent, approuvent, soutiennent et attendent le retour. Et derrière vous, des centaines de militants de différentes associations autour du monde ont travaillé jour et nuit à la préparation de la marche. Certaines de ces associations n’avaient jamais travaillé ensemble, mais ont appris à discuter, négocier, se coordonner, trouver des points d’entente, et surtout à réfléchir aux besoins de cette marche pour la liberté de Gaza, et à y tenir fermement : il faut que ça réussisse, c’est ce que nous pouvons apporter aux Palestiniens, c’est de cette façon que nous maintiendrons l’espoir et que nous avancerons dans la construction de la solidarité internationale. Tous sont des bénévoles, et tous ne sont sûrement pas au même point de connaissance des réalités politiques et du terrain.
En arrivant en Égypte, vous avez reçu votre baptême du feu. Vous pensiez que les négociations entreprises entre les organisateurs et les autorités égyptiennes signifiaient quelque chose. Plus ces négociations avançaient, allant aux détails de vos numéros de passeports et de vols, plus cela vous laissait croire que la marche se concrétisait et que vous pourriez être à Gaza avec la fin de l’année. Il a même été négocié les jours et heures de passage de chaque groupe, étalés sur les 27, 28 et 29 décembre. Tout a été transmis au ministère des affaires étrangères égyptien, en toute transparence. L’objectif n’étant que de passer via l’Égypte.
 Or, entre-temps, le pouvoir égyptien s’est trouvé face à des exigences qu’il espérait sûrement pouvoir esquiver à cette date précise ! L’administration américaine a laissé filtrer sa solution pour le « conflit du Moyen-Orient », dite de « la Confédération sacrée », qui exclut l’Égypte de ses plans et la prive de la manne qu’elle est supposée générer. Car cette « Confédération sacrée » serait une entité qui engloberait Israël, la Jordanie et l’État palestinien, avec Jérusalem pratiquement internationalisée. Est-ce ce plan qui a inspiré l’initiative suédoise reprise par l’UE qui parle d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Est-ce ce plan qui inspire le premier ministre palestinien, Salam Fayyad qui parle d’un « État palestinien dans deux ans », et qui s’affaire à lui créer ses institutions dès à présent ? Est-ce la bonne solution pour la Jordanie qui est effrayée de se voir désignée comme étant la « Patrie alternative » (idée israélienne souvent évoquée) : 30% des palestiniens du monde entier y vivent, formant la moitié au moins de sa population. Il y aura beaucoup d’argent pour faire vivre cette confédération, et elle sera suffisamment entourée des soins étasuniens pour la protéger des problèmes laissés pour compte, notamment ceux liés aux confiscations de terres, aux réfugiés, à la normalisation promise à Israël dans l’ensemble du monde arabe…et à la négligence totale de toute notion de droit !
Quoique ses chances d`aboutir soient très peu probables, cette proposition rythmera les négociations et les conférences des prochaines années. Mais elle marginalise l`Egypte, tant sur le plan politique que financier. Celle-ci en veut au président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, de concocter des propositions de solutions dans son dos, et de ne pas lui montrer les égards nécessaires. Elle en veut autant – sinon plus - au Hamas d`avoir été intransigeant tout au long des négociations pour l’échange des prisonniers, que conduisait l’Égypte seule au départ, et d`avoir invité par la suite un intermédiaire allemand pour garantir leur efficacité. L`Egypte lui en veut aussi parce qu’il n’a pas voulu signer l’accord de « réconciliation nationale » avec le Fatah, qu`elle a préparé après beaucoup d’efforts. Tant d’occasions manquées pour souligner et assoir la centralité de l’Égypte (même si les détenteurs du pouvoir ne font aucune différence entre le pays et leur propre personnes, qu`il s`agisse de ces dossiers ou de tout). C’en était trop !
 Il fallait donc prouver la capacité de l’Égypte à être incontournable. Voilà que la mise en œuvre du « mur renversé », imaginé par un ingénieur américain fou, devenait une nécessité. Ça tombait durant l’anniversaire de l’agression sur Gaza ? Tant pis !! Les travaux ont commencé et une unité spéciale de la CIA les observe nuit et jour. Le plan est diabolique, avec ses barres en acier qui crèvent le sol, s`enfonçant à 30 mètres de profondeur, ses canaux remplis par l`eau pompée à la mer. Plus ses détails sont révélés et plus les autorités égyptiennes s`installent dans la logique de la provocation : c’est, disent-elles, une affaire de souveraineté ! Il était assez délicat de laisser passer 1400 marcheurs à côté du chantier tandis que des accrochages entre Palestiniens et policiers égyptiens ont éclaté. Alors les responsables égyptiens disent non à la Marche, comme au convoi « Viva Palestina » qui négocie depuis des mois, après avoir réussi deux passages durant l’année. Nous protestons ? Ils mentent, prétendant que nous sommes désordonnés, et risquons de provoquer des troubles, que nous sommes tendancieux et avons insulté la grande Égypte, et patati et patata.
S’ajoute à cette première raison une deuxième encore moins glorieuse : les autorités israéliennes ne voient pas d’un bon œil ces « terro-touristes », comme Israël a pris l’habitude de les appeler. Encore d’un moins bon œil qu’ils viennent précisément à cette date briser le siège de Gaza, et ajouter leurs voix aux condamnations d’Israël qui fusent de toute part. Celui-ci ne laisse pas passer vers Gaza des diplomates européens, alors pourquoi attendrait-il de son allié moins que l’interdiction de la marche ? Cela a été demandé, et entendu.
Netanyahou veut (il a déclaré que la visite se faisait à sa demande) visiter le Caire aujourd’hui ? C’est embarrassant à cause de ce fichu anniversaire, mais on est entre adultes et on ne va pas être si susceptibles !
En aparté, des responsables égyptiens parlent justement de ces énormes pressions dont le pays - en fait le pouvoir – est l’objet. Mais, messieurs, ce pouvoir a tout fait pour se libérer de l’autre pression qui aurait pu équilibrer celle-là : la pression du peuple, et celle des mouvements politiques. Vivent au Caire 17 millions d’habitants, dont 11 millions dans les bidonvilles, sorte de favelas sans aucune infrastructure qui encerclent la capitale, et dans lesquels sévit une misère totale (le mot est faible). Ce sont des populations en trop, auxquelles les autorités ne pensent même plus, occupées qu’elles sont à « construire l’essor de l’Égypte ». Cet essor-là est visible : des blocs de « compound » (villes nouvelles isolées par des murs de protection et des gardiens armés) qui essaiment, occupés par les grandes multinationales multiples et prospères, les grandes universités et écoles privées, les supermarchés et magasins de luxe…et les résidences des nouveaux riches, ministres compris. Le pouvoir a aussi mis en place des forces spéciales de sécurité : un million quatre cent mille policiers des sinistrement réputées unités de la « Sûreté centrale » !!
Essentiellement massés dans la ville du Caire, entrainés aux actions anti-émeute, et franchement sans limites dans la violence (N.B. aux marcheurs : ce ne sont pas eux que vous avez vus devant vos hôtels, qui vous ont poursuivis ou molestés dans les rues). Aucune manifestation n’est autorisée, aucun parti politique, de gauche, libéral ou islamiste, n’est légalisé (à part ceux qui prêtent allégeance au régime), les élections sont manipulées et les éminents membres du « club des juges » (une sorte de syndicat autonome) ont à maintes reprises condamné les résultats truqués. Le Caire, magnifique, avec ses milles minarets, ses vieux quartiers fatimides, ses immeubles Renaissance italienne, est négligé et se délabre de jour en jour. Les services publics de l`éducation, de la santé, du transport, de l`habitat… sont délibérément détruits : il ne reste plus rien du projet de réalisation de soi, entrepris par Nasser, (avec tous les défauts qui l`ont accompagné). Les prisons sont remplies, pas seulement de militants politiques confirmés, mais aussi de paysans qui protestent contre l’annulation de la réforme agraire, d’ouvriers de la grande Mahalla qui protestent contre les plans de privatisation, d`étudiants un brin libres dans leur façon de penser etc, etc… Ce sont des régimes dépourvus de toute légitimité, quelle qu’elle soit, qui s’installent « hors sol ». La formule réussie pour maintenir le pouvoir est celle de joindre les deux extrêmes : extrême pauvreté et extrême violence. Et de compter sur le soutien international, i.e. celui des États-Unis ! Ces régimes ont construit un système global de gestion de la société, reposant sur une répression très complexe et ultrasophistiquée. Pour le pérenniser, et aussi pour s’assurer que les secrets seront bien gardés, le président actuel de l’Egypte voudrait voir son fils lui succéder. Ça ne marche pas très facilement et ça crée des tensions. Alors on se crispe encore plus !!

Chers marcheurs,

Durant votre séjour forcé au Caire, sans vous en rendre compte, et surtout sans le vouloir, vous avez agité l’eau de ce marécage. Les autorités égyptiennes étaient très ennuyées par votre présence, ne sachant comment s`y prendre, cumulant promesses, gaffes, et propositions tordues. Mais vous aurez apporté un sourire de satisfaction au cœur des gens « ordinaires » de l’Égypte, ceux qui vous ont croisés ou ceux qui ont entendu parler de vous sur les radios et les télévisions mondiales (car il y a eu des reportages et tout les Égyptiens savent qu’il s’est passé quelque chose ces jours-ci au Caire). Vous n’avez pas pu réaliser votre objectif, mais vous avez essayé avec détermination, et cela tout le monde l’a su : à Gaza, dans le reste de la Palestine, et partout dans le monde. Ce que vous avez fait est un début à l’élargissement de l’action internationale de solidarité. C’était indispensable, la lutte du peuple palestinien n’est pas entravée uniquement par l’action négatrice et brutale d’Israël, mais aussi par les complicités et l’aveuglement d’autres. Vous venez là d’expérimenter un de leurs multiples épisodes.

Bonne année 2010, nous continuons !

samedi 9 janvier 2010

Les marcheurs du Luxembourg ont fait un 1er bilan lors d'une conférence de presse, le jeudi 7 janvier

[Vous trouverez le texte illustré de cette conférence de presse en cliquant sur le titre ci-dessus du présent message]

Jeudi, le 7 janvier 2010, 4 des marcheurs et 3 autres membres du CPJPO ont fait un premier bilan de la Marche, dans la salle du CITIM, à l'ASTM, avec la participation de 11 journalistes des principaux médias du Luxembourg. En s'appuyant sur un power point, Michel Legrand a d'abord remercié les journalistes présents - pour la 2e fois en dix jours -, rappelé les objectifs et les cibles de la Marche. Il a ensuite présenté brièvement l'historique du refus égyptien et retracé les principaux événements et manifestations non violents organisés depuis le Caire où se trouvaient bloqués la plupart des marcheurs. Claude Grégoire, qui avait atteint Al Arish (petite ville à 50 km au sud de Gaza) a pris le relais pour détailler les événements et les manifestations qu'une quarantaine de marcheurs (surtout catalans) ont organisés dans cette ville, ainsi que les nombreux contacts qu'ils ont pu établir avec la population locale.

Claude a ensuite évoqué les diverses dimensions du contexte égyptien, israélien et régional ainsi que les conditions de notre situation au Caire, qui permettent de comprendre pourquoi et comment nous avons réalisé la plupart des objectifs de la Marche, tout en ayant été empêchés de marcher à Gaza avec les Gazaouis le 31 décembre.

Michel Decker a alors proposé le bilan que nous faisions de la Marche et de notre séjour au Caire en expliquant en quoi et comment plusieurs de nos objectifs avaient été atteints : principalement les retombées médiatiques importantes en Egypte, dans le monde arabe, en occident, au Luxembourg - à l'exception de certains pays - : non seulement on a beaucoup parlé de la Marche, mais surtout on a beaucoup parlé et reparlé de Gaza, du siège inhumain et illégal qu'y poursuivait Israël, de la nécessité de sanctionner Israël tant qu'il ne cesserait pas ce siège et ne respecterait pas le droit international, et, plus largement, de la poursuite des colonies israéliennes surtout à Jérusalem-Est, des diverses conditions d'une paix juste en Palestine et Israël ...

Après avoir fait le point aussi sur le convoi Viva Palestina, Michel L. a terminé la présentation en ouvrant des perspectives immédiates d'avenir : (a) le passage aux actes des instances politiques internationales, européennes et luxembourgeoises : la mise en oeuvre effective de leurs discours et de leurs motions; et (b) l'engagement des organisations participantes de poursuivre la Marche et l'atteinte de ses principales revendications, aussi longtemps que celles-ci n'auraient pas de réponse adéquate, effective et durable.

Avant de passer aux échanges, aux réactions et aux questions, les marcheurs ont rappelé la figure de Marie-Renée Le Grand, membre de l'Association France-Palestine Solidarité, décédée de mort naturelle au Caire, militante de longue date pour la justice et la paix au Proche-Orient.

Les marcheurs du Luxembourg

mercredi 6 janvier 2010

Je n'ai pas été à Gaza mais j'ai vu un drapeau....






Témoignage de Jean-Pierre Griez
Je n’ai pas été à Gaza mais j’ai vu un drapeau palestinien sur la grande pyramide et j’ai vu le V de la victoire brandi par un Egyptien à la fenêtre du 7ième étage d’un building abritant l’ambassade israélienne au 19ième et j’ai vu ce même homme saluer les manifestants les internationalistes, nous moi criant leur solidarité avec le peuple de Gaza et j’ai vu parmi tous ces gens un juif antisioniste se faire photographier avec un jeune français arabe ou arabe français et j’ai entendu les chants en yddish de juifs pour Gaza et le syndicaliste sud-africain lancer un appel au boycott d’Israël, l’apartheid new look et j’ai vu ces policiers nous entourer et la peur et l’étonnement et parfois la sympathie dans leur regard, j’ai vu leur peau foncée à ces gamins de 20 ans venus tout droit de la campagne pour brûler trois ans de leur jeunesse à opprimer les leurs, j’ai senti notre force, la peur était chez eux autant que chez nous, chez nous c’était la colère et la détermination et la solidarité toujours la solidarité, j’étais fier de réussir à tenir deux heures face au drapeau israélien hissé au sommet d’une forteresse réputée imprenable, un peu gêné aussi, ces photos tous ces autoportraits comme autant de trophées d’actes héroïques et la manif s’est arrêtée et j’ai marché sur le pont du Nil et j’ai vu des policiers nous barrer le passage et j’ai couru, on a couru entre les voitures, Le Caire cet enfer de milliers de voitures se serrant se doublant se frôlant s’insultant s’asphyxiant, ces voitures serrées pour nous protéger d’une pitoyable police, ces voitures assassines pourchassant les piétons et cette collision, de la tôle froissée rien que de la tôle et une police semée désarçonnée et la force de militants aguerris, ces autres, venus de je ne sais où que j’ai suivis ce jour-là et toujours ce sentiment immodeste et pourtant bien là d’être dans l’Histoire avec un grand H, hache qui tue à Gaza au Congo en Afghanistan en Irak à Bruxelles National et j’ai vu aussi des Egyptiens sous la hache, cet enfant qui mendie dans une rue de terre et ce touriste, moi qui regarde droit devant pour ne pas le voir et cette jeune fille voilée qui veut photographier les militants to Gaza sur une place bondée du vieux Caire, une autre action un autre soir et la police qui l’écarte et l’intimide et la fille qui résiste trois secondes, pas plus de trois secondes qui donnent chaud au cœur et cette action-là, nous tous avec une bougie à la main surgis par surprise des terrasses de café et ce silence qui parle dans nos bougies, juste une bougie et nos Free Gaza et nos keffieh et un début d’applaudissement parmi les passants comme un murmure, insupportable pour le cordon de flics et des flics désemparés qui nous isolent avec les barrières touristiques de la place et un autre flic, le-chef-qui-a-toujours-raison qui fait enlever ces barrières-là et un vieux qui passe dans l’espace interdit, un vieux qui résiste qui crie des insanités à la police, un vieux qui fait chaud au cœur et puis la dislocation calme et belle et le retour vers le métro à 5 ou à 10 dans une rue commerçante, les odeurs les gens qui crient les tapis les klaxons les slaloms fous entre les voitures les enseignes surchargées les maïs grillés les lampes néon éblouissante les appels à la prière les gens et les gens et les gens, filles voilées filles tchador, les trottoirs cabossés les immondices, et les policiers à nos trousse where are you going ? et le métro enfin le métro et les billets qu’on avait pris d’avance et nos fins limiers bloqués par la foule au guichet, toujours la foule, la foule qui nous protège qui nous rassure et les gens : To Gaza ? et les sourires complices et les clins d’œil et la fierté, il faudrait nous ériger une statue nous les internationaux et la tristesse aussi, des juristes égyptiens ont été arrêtés et aussi des journalistes, ce n’est pas une rumeur, ces gens nous ont aidés, ils ont mené leurs propres actions aussi, ils prennent des risques quoi ? moi à Mons et eux en prison ? qu’est-ce qu’on va faire pour eux ? ces gens nous ont aidés pour avoir des bus, les bus pour aller à Gaza, le gouvernement a interdit d’aller à Gaza il a interdit de louer des bus il a interdit de se rassembler à plus de 6 personnes il a interdit de se rassembler à l’université ou n’importe où ailleurs, il a interdit l’action sur le Nil et celle sur le pont, alors les juristes qui n’aiment pas les interdits ont appelé leurs amis patrons de société de bus qui n’aiment pas les interdits et deux bus sont venus à l’hôtel que l’on a l’appelé bordel palace mais ce n’était qu’une rumeur, peut-être à cause de la danseuse du ventre et à cause des taximan, j’ai vu l’hôtel il y a un portail détecteur de choses interdites et trois policiers en uniforme à l’entrée et parfois cinq et puis les autres sans uniforme on n’arrive pas à les compter et puis le personnel soupçonné d’être des indics et parfois vers la fin du séjour un disque dur d’un militant qui disparaît et qui réapparaît comme par enchantement, après avoir été copié ? et donc à l’hôtel deux bus arrivent et l’on doit récupérer son passeport pour partir à Gaza car on est les marcheurs de Gaza et la récupération des passeports ça dure un bail car le réceptionniste est un indic ou tout simplement il n’arrive pas à lire nos noms, nos caractères vous savez bien c’est pas les mêmes que là-bas et des gens se fâchent, ils veulent leur passeport avant les autres, bref on récupère les passeports c’est déjà une victoire et alors on veut monter dans le bus mais les policiers invectivent le chauffeur car il bloque la circulation et puis on marche cent mètres et on monte et on attend dans le bus une heure ou plus je ne sais pas et aussi dans le deuxième bus et des policiers parlent avec le chauffeur, avec les responsables de la marche et ça ne marche pas et alors on s’énerve et on entend des rumeurs j’y reviendrai, il y a toujours des rumeurs et puis on part l’après-midi et on roule sur des routes surchargées, Le Caire est une ville gigantesque, on se retrouve dans des embouteillages, je vois un panneau Islamyia 85 km, on voit du sable de la poussière, on quitte la ville, on fait connaissance, les gens du groupe se connaissent peu c’est pour moi le premier jour du séjour et donc on va à Gaza avec nos sacs et tout et nos espoirs et nos peurs et j’ai vu ces gens dans le bus qui parlent de la Palestine, de France et de leur solidarité et puis le temps passe et le temps est beau, 25 degrés, à part la poussière et le CO2 qui cachent le soleil et puis c’est le check point, non on n’est pas en Israël mais entre le Caire et Raffah, la frontière avec Gaza et on doit rester dans le car et puis on doit récolter les noms et aussi les nationalités et puis on sort au bord du désert et il fait noir maintenant et le temps passe et les filles peuvent aller à la toilette, escortées par des policiers débonnaires, débonnaires mais pas trop, le convoi est refoulé et on rentre sagement dans le car on a oublié de s’asseoir par terre comme on avait dit et le car fait demi-tour et les autres cars, trois autres cars, jamais vus auraient aussi été refoulés, pas grave on fera une conférence de presse au Caire pour dénoncer tout ça mais au Caire, le lieu de rassemblement pour ce plan B, la conférence de presse semble encerclée par la police, donc retour à l’hôtel, dans l’hôtel on compare les photos et on envoie des infos, on remplit des blogs, on se réunit, on prépare l’action des lendemains et ce lendemain-là on prend le métro, pas la bon wagon : il n’y a que des femmes, sourires embarrassés compatissants ironiques, après on voit le sigle sur le wagon : deux pour les femmes et tous les autres mixtes mais le métro est déjà loin et on va par petits groupes jusqu’au syndicat des journalistes, un bâtiment imposant et des marches imposantes, pour peu on se croirait à la bourse à Bruxelles et déjà des manifestants venus appuyer la grève de la faim entamée par une survivante des camps nazis, une femme juive si frêle si forte qui a fui le ghetto et qui est toujours là dans les actions les plus fermes et avec elle des autres grévistes de la faim et tous ces gens sur les marches venus de 43 pays avec des panneaux, la rage la colère l’espoir et là sur les marches on marche sur place : we go to Gaza mais en bas des marches devant la marche, il y a la police qui arrive nombreuse impressionnante au début et on reste là deux heures je ne sais plus, une force une solidarité et après on mange au bout d’une impasse mais l’impasse est belle à prendre des photos et après on retourne sur les marches, les juristes égyptiens organisent une protestation car le premier ministre israélien était au Caire ce jour-là pour négocier avec Moubarak alors le soir les internationaux sont moins nombreux et les Egyptiens sont plus nombreux et un juriste prend la parole et parle du nouveau mur, le mur égyptien qui doit fermer les tunnels entre Gaza et l’Egypte, un bouclage complet, plus de tunnel plus d’approvisionnement, un mur souterrain de trente mètres qui sera construit en quelques semaines en ce début 2010 et puis on part la rage au ventre, les Egyptiens dénoncent le rôle de leur gouvernement, on est venu pour Gaza, pas pour s’immiscer dit-on, dans leur affaires intérieures mais à l’intérieur du Caire, à l’intérieur des quartiers j’ai déambulé, touriste perdu et j’ai vu la misère, un peu de misère, la vraie misère est cachée, les gens qui dorment dans les cimetières, plus de place dans le monde des vivants, ces morts-vivants là je les ai pas vus mais j’ai vu les maisons déglinguées et les boui-bouis minables et l’ennui et les ambulances bloquées dans les embouteillages et j’ai senti l’asphyxie et j’ai vu dans ma tête les années de vie en moins des Cairotes, la pollution l’air les fruits et les légumes exposés au CO2 et j’ai revu les visages TV bouffis de ministres après Copenhague et j’ai imaginé un Copenhague sur Nil et j’ai vu les internationaux qui respiraient la pollution dans leur campement à même le trottoir devant l’ambassade de France, 5 jours et 5 nuits pas toute une vie mais 5 jours c’est beaucoup je les remercie, beaucoup de jeunes, je les ai vus enthousiastes chantant criant jouant encadrés par des doubles cordons de policiers toujours les policiers je les ai entendus raconter l’action les files d’attente pour la toilette, le bouclage complet lors des premiers jours l’approvisionnement par-dessus les cordons de flics de militants déterminés, même un évêque parisien sous la tente, ils attendent les bus pour Gaza, ils espèrent le soutien de l’ambassade mais les bus sont interdits et l’ambassade se tait en français et dans toutes les langues, une action longuement applaudie lors de la soirée finale en fin de semaine, action parfois contestée pourquoi ? par qui ? j’ai pas tout compris mais moi je les ai vus pas, le leur ai parlé, pas des têtes brûlées rien que des gens déterminés attendant les bus, revendiquant les bus, des bus sont partis à Gaza avec 80 internationaux ce n’est plus une rumeur, l’ambassade américaine serait intervenue ? Pourquoi eux et pas nous ? Pourquoi eux et pas tous ? Ce serait une manip du gouvernement égyptien avec l’aval du big boss US ? ils sont partis je ne les ai pas vus je ne suis pas un stratège, je ne jette pas la pierre, je ne fais pas l’Intifada contre des amis mais j’ai voté, il y avait des places pour des Belges, j’ai voté contre, tu as voté pour, je ne sais plus, j’ai entendu des exclusives, j’ai vu les ravages du sectarisme, pas du tout l’apanage de la seule extrême gauche, j’ai vu la division comme une menace, 1300 internationaux se pensaient à Gaza mais 1300 internationaux étaient coincés dans des hôtels disséminés, tous plus fliqués les uns que les autres, séparés par des kilomètres d’embouteillages, de langues, de religions, d’habitudes de lutte, de motivations et j’ai vu une manifestante blessée ou encore plus choquée que blessée, après la charge de flics plus sympa du tout devant le musée archéologique du Caire, je les ai vus charger et je nous ai vus nous asseoir au milieu de la rue, ce qui a décuplé leur rage, j’ai vu des policiers encore plus hargneux avec les manifestantes arabes, une femme n’a pas à se trouver dans la rue n’est-ce pas ? surtout si elle est arabe et je les ai vus nous enfermer dans un réduit très vite baptisé le Free Gaza Square avec un arbre au fond, un arbre magnifique pour accrocher les banderoles et là j’ai revu la femme choquée ou blessée couchée dans un coin, réconfortée par une grappe d’activistes et j’ai vu un étudiant égyptien enfermé avec nous, nous suppliant d’excuser cette Egypte qui n’était pas la sienne et dans l’autre coin tout près du cordon de casqués j’ai revu la survivante des camps nazis et aussi des vétérans du Vietnam du Golfe n°1 du Golfe n°2 j’ai chanté au rythme d’un accordéon et d’autres ont dansé il y avait un beau soleil et derrière les cordons on pouvait voir parfois les signes d’approbation et d’encouragement des passagers d’un bus ou d’un camion et puis l’eau est arrivée , des morceaux de gâteau et des quartiers de mandarines si petits si grands passaient de main en main, les bouteilles vides sont devenues des latrines à l’abri d’une banderole et les heures ont passé chaudes et douces et j’ai su la caméra fracassée d’un jeune de notre groupe qui avait eu le tort de filmer les violences et c’est là que j’ai appris la mort d’une internationale logée à notre hôtel, venue avec son mari pour Gaza, un cœur faible, malade, hospitalisée la veille, une militante inconnue active depuis toujours pour la Palestine et c’est là que j’ai vu la détermination et la solidarité en marche, des jeunes des cités, des vétérans, des étudiants, des militants associatifs, des syndicalistes, oui le visage bonhomme mais ferme de ce syndicaliste écossais et sa façon directe de s’adresser à la foule, à nous , à moi et enfin la dislocation décidée ensemble et l’engagement de recommencer dès demain et on a recommencé et puis collectes de journaux les photos à la une les images des télés arabes égyptiennes les correspondances par téléphone avec Bruxelles ou Brussel et si peu de choses que l’on sait de GAZA là-bas si près, pas plus de 400 kilomètres, des rumeurs, une manif de Gazaouis peu suivie après le blocage des internationaux en Egypte, une marche courageuse du côté israélien de la frontière et toutes ces nouvelles qui nous arrivent , Dexia qui désinvestit dans les colonies de peuplement, des ouvriers égyptiens en grève de solidarité avec Gaza, ceux-là mêmes qui construisent le mur entre l’Egypte et Gaza , des actions en Belgique en France je sais plus où, le convoi humanitaire Viva Palestina venu d’Angleterre bloqué par l’Egypte et refoulé vers la Syrie, j’ai vu des gens qui ont essayé de rallier Gaza par leurs propres moyens, un Palestinien qui n’a jamais vu son pays, un autre qui a laissé tous ses amis là-bas, toujours refoulés, j’ai vu plein de gens sur une place au cœur d’un rond point au centre ville le soir du 1 janvier, pas question de partir sans se revoir une dernière fois, j’ai vu la dame en rose du comité organisateur s’excuser pour les erreurs faites et j’ai entendu des Indiens, Philippins, Espagnols, Italiens, Sud-Africains, j’ai vu des adresses s’échanger et dans l’avion au retour j’ai vu à mes côtés un jeune garçon mi-libanais mi-belge me parler de la guerre de 2006 dans son pays, l’évacuation en catastrophe vers la Belgique, son dégoût des guerres et de toute politique et j’ai pensé à la semaine qui se terminait , longue comme une phrase sans point ni respiration, un rêve de fin de voyage, les opprimés en marche, et je lui ai dit je n’ai pas été à Gaza mais j’ai vu un drapeau sur une pyramide.


dimanche 3 janvier 2010

Bilan de l'action au Caire...pendant ce temps au Luxembourg

Les marcheurs ont multiplié les actions sur place, rencontre de la délégation EU au Caire, manifestation devant l'ambassade d'Israël, réunion de concertation pour les actions à venir....
Ils rentrent à Luxembourg dans les jours à venir, rejoignez nous pour accueillir et recueillir leur témoignages. Plus d'information suivront.
Le 31 décembre une action de solidarité s'est tenue devant la cathédrale de Luxembourg. Profitons de cette occasion pour remerciez chaleureusement Monseigneur Franck de nous avoir permis de nous réunir devant la Cathédrale et aussi d'avoir prié pour la paix dans le monde et en Palestine!
Ci-dessous, des photos des derniers évènements au Caire et à Luxembourg:



vendredi 1 janvier 2010

Réunion au Caire ECCP / représentants de l'UE

En ce moment, une réunion se tient au Caire entre des délégations de l'ECCP et des représentants de l'UE. Ci-dessous, les premières photos des réunions.